Le Soudan, troisième pays d’Afrique par sa superficie et avec 45 millions d’habitants, s’enfonce depuis le 15 avril 2023 dans des violences meurtrières faisant des centaines de morts, de blessés et de déplacés. Les combats opposent l’armée régulière, fidèle au général Abdel Fattah al-Burhan, aux Forces de Soutien Rapide (FSR), une milice dirigée par un autre général, Mohamed Hamdan Daglo.
Ces violences sont le fruit d’une histoire complexe. Le Soudan a été dirigé d’une main de fer pendant trois décennies par Omar El-Béchir. Dans les années 2000, les FSR, une armée issue de la milice Janjawid, ont été employées par l’ancien président soudanais contre la rébellion dans la région du Darfour. Au fil du temps, les FSR se sont développées et ont été utilisées comme garde-frontières, notamment pour lutter contre les migrations irrégulières.
En avril 2019, les FSR, alors employées par El-Béchir, s’unissent avec l’armée régulière du pays pour mener un coup d’État militaire qui chasse Omar El-Béchir du pouvoir. Plus tard dans la même année, le général Daglo signe un accord de partage de pouvoir qui le place à la tête d’un conseil de transition dirigé par le général al-Burhan. De nombreux manifestants demandent un gouvernement civil.
Le 13 avril 2019, al-Burhan annonce qu’un gouvernement civil sera bientôt mis en place et promet que la période de transition prendrait au maximum deux ans. Des négociations avec les chefs de l’opposition ont lieu pour y parvenir. Malgré sa promesse d’établir un gouvernement civil, en février 2020, comme l’exige de nombreux manifestants, son groupe semble systématiquement isoler le gouvernement civil dirigé par Hamdok dans des décisions clés du gouvernement.
Le 25 octobre 2021, al-Burhan dirige un coup d’État pour renverser le gouvernement civil du Premier ministre Abdalla Hamdok. Le 21 novembre 2021, tous les prisonniers politiques sont libérés et Hamdok est réintégré au poste de Premier ministre dans le cadre d’un accord avec les partis politiques civils. Les FSR participent au coup d’État qui interrompt la transition vers les élections d’octobre 2021.
Depuis, le général Daglo a déclaré qu’il regrettait le coup d’État et a annoncé qu’il approuvait un accord visant à exiger l’intégration des FSR dans l’armée régulière. Les négociations sur cette question ont été une source de tension, retardant la signature finale d’un accord pour un nouveau gouvernement et des élections.
Ce conflit interne pourrait être le théâtre d’influence extérieure. En 2017, le président russe Vladimir Poutine et son homologue soudanais signent un accord stipulant que Moscou obtiendrait un bail de 25 ans pour construire une base navale à
Port-Soudan, le principal port du pays. Cette base devait permettre d’accueillir 300 hommes et jusqu’à 4 navires de guerre. Toutefois, le projet a été mis en veilleuse après la chute d’Omar El-Béchir en 2019, d’autant plus que le Soudan s’est rapproché de l’Occident pendant cette période de transition démocratique et a bénéficié d’un important soutien économique de la part des États-Unis.
Le retour des militaires au pouvoir à la faveur du coup d’État mené par le général Abdel Fattah al-Burhan en octobre 2021 a cependant favorisé un nouveau rapprochement entre Moscou et Khartoum. En janvier 2022, l’installation d’une base militaire au Soudan a été incluse dans les nouvelles doctrines navales russes.
La situation au Soudan est donc marquée par un conflit interne aux enjeux internationaux. La rivalité entre les forces armées régulières et les FSR, ainsi que les tensions politiques internes, se mêlent aux intérêts géopolitiques des grandes puissances, dont la Russie. La poursuite des négociations et la recherche d’un accord pour un nouveau gouvernement et des élections sont essentielles pour sortir de cette crise, tout en tenant compte des influences extérieures qui pourraient compromettre le processus de paix et la stabilité du pays.