Au Nigeria, la Banque centrale réfléchit à l’adoption des stablecoins

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Après avoir établi un cadre pour les crypto-actifs, le Nigeria s’attaque aux stablecoins : la Banque centrale lance un groupe de travail pour évaluer leur adoption, entre ambition d’innovation financière et prudence face aux risques monétaires.

Après avoir mis en place un cadre pour les crypto-actifs, le Nigeria s’attaque à un nouveau chantier : la régulation des stablecoins, ces jetons numériques indexés sur des devises réelles, perçus comme une alternative plus stable aux cryptomonnaies classiques. Le gouverneur de la Banque centrale (CBN), Olayemi Cardoso, a annoncé la création d’un groupe de travail chargé d’en étudier les modalités d’adoption, à l’occasion des Assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Washington.

Selon Cardoso, ce groupe réunira la CBN, le ministère des Finances et d’autres institutions publiques pour « approfondir l’analyse des implications économiques, réglementaires et technologiques » d’un cadre national sur les stablecoins. Ces actifs numériques, adossés à des devises ou à des matières premières, suscitent un intérêt croissant dans les économies émergentes en quête d’inclusion financière et de stabilité monétaire. « Il s’agit d’accompagner le développement des technologies financières sans les freiner, tout en préservant la confiance et la stabilité », a-t-il déclaré.

Un enjeu de souveraineté monétaire

Pour la CBN, la réflexion sur les stablecoins est le prolongement de la stratégie axée sur la modernisation du système de paiement nigérian, déjà marqué par l’essor des fintechs et des plateformes numériques. Le Nigeria, pionnier du lancement d’une monnaie numérique de banque centrale (l’eNaira en 2021), cherche désormais à adapter son cadre réglementaire à la montée en puissance des crypto-actifs privés.

Cette initiative pourrait permettre de définir les conditions d’émission, de conversion et de supervision des stablecoins sur le marché nigérian, et renforcer la capacité de la Banque centrale à encadrer ces flux de capitaux numériques.

Car le phénomène des crypto au Nigeria n’est pas marginal : le pays figure parmi les économies les plus avancées au monde en matière d’adoption crypto. Entre juillet 2023 et juin 2024, environ 59 milliards de dollars en transactions crypto ont été traités au Nigeria, ce qui positionne le géant africain en seconde place mondiale derrière l’Inde.

Et plus spécifiquement, les stablecoins jouent un rôle majeur : ils représentaient en 2024 environ 40 % du marché crypto nigérian, voire environ 43 % des transactions grand public inférieures à 1 million $. Un rapport indique que près de 22 millions de Nigérians, soit environ 10,3 % de la population, détenaient ou utilisaient des cryptomonnaies en 2025.

Le secteur fintech et le mouvement vers un modèle hybride

Le secteur fintech nigérian, l’un des plus dynamiques d’Afrique, milite depuis plusieurs années pour un assouplissement du cadre réglementaire et une reconnaissance des stablecoins comme instruments de paiement légitimes. Des plateformes locales de transfert et de financement participatif ont déjà commencé à explorer leur utilisation pour faciliter les paiements transfrontaliers et réduire la dépendance au dollar.

Mais les autorités monétaires restent prudentes. Pour la CBN, l’enjeu est d’éviter les risques de volatilité, de fraude et de contournement des contrôles de capitaux.

Selon plusieurs experts, le Nigeria pourrait s’inspirer de modèles hybrides déjà testés à Singapour ou à Dubaï, où les stablecoins sont encadrés par des licences spécifiques et adossés à des institutions bancaires agréées.

Si le projet aboutit, le pays pourrait devenir le premier grand marché africain à définir un cadre formel pour ces instruments. 

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