L’Éthiopie rejette la position inchangée de l’Égypte à l’encontre du Grand barrage de la Renaissance (GERD), récemment inauguré, et que Le Caire continue de considérer comme une menace pour la vie de millions de personnes vivant dans les pays situés en aval du Nil.
Estimé à 4,2 milliards de dollars, le Grand barrage de la Renaissance ( GERD), le plus vaste d’Afrique, dispose d’une capacité de 74 milliards de m³ et peut produire jusqu’à 5 150 mégawatts. Il a été inauguré le 9 septembre en présence de plusieurs dirigeants de pays riverains du Nil — à l’exception notable de l’Égypte et du Soudan, toujours opposés au projet.
Ces deux pays affirment que l’ouvrage compromettra leur sécurité hydrique dépendante du plus long fleuve du monde.
Les partisans du GERD estiment au contraire que l’infrastructure rebattra les cartes du pouvoir dans le bassin du Nil, notamment entre Addis-Abeba, Le Caire et Khartoum.
Depuis le lancement du chantier en 2011, l’Égypte et le Soudan ont multiplié les appels pressants à la communauté internationale, mettant en garde contre la poursuite du projet sans accord préalable, et allant jusqu’à menacer de sabotage.
À la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a dénoncé la politique « unilatérale et déstabilisatrice » de l’Éthiopie, annonçant que son pays porterait l’affaire devant la Cour internationale de justice. Il a fustigé la décision d’Addis-Abeba de finaliser seule les travaux, imposant selon lui un fait accompli aux États situés en aval.
En réponse, l’Éthiopie a rejeté les accusations « infondées » formulées par l’Égypte sur les impacts sociaux et environnementaux du barrage, que Le Caire juge néfastes pour la sécurité en eau de millions de ses habitants.
Exerçant son droit de réponse aux Nations Unies, le représentant permanent adjoint de l’Éthiopie, Yoseph Kassaye, a qualifié de sans fondement et trompeuses les allégations égyptiennes soumises au Conseil de sécurité.
« Le contraste est saisissant entre la politique de coopération de longue date de l’Éthiopie et l’hostilité persistante de l’Égypte », a-t-il déclaré, rappelant que la position d’Addis-Abeba repose sur le principe international d’utilisation équitable et raisonnable des ressources transfrontalières, censé bénéficier à tous les pays du bassin.
Il a accusé Le Caire de vouloir imposer des “droits historiques” hérités de traités coloniaux excluant la majorité des États du Nil.
« Alors que l’Éthiopie cherche à exploiter le fleuve pour garantir à son peuple des droits fondamentaux tels que l’accès à l’eau potable, la sécurité alimentaire et l’électricité, l’Égypte persiste à refuser ces besoins essentiels au nom d’un monopole dépassé », a ajouté M. Kassaye.
Le diplomate a également rappelé qu’Addis-Abeba avait associé l’Égypte à toutes les étapes de la planification et de la construction du barrage, contrairement à la démarche unilatérale du Caire lors de l’édification du Haut barrage d’Assouan, qui avait, selon lui, déplacé des communautés entières et anéanti des civilisations anciennes.
Malgré plusieurs cycles de négociations, l’Éthiopie estime que l’Égypte a réclamé des concessions excessives sans jamais manifester une réelle volonté d’accord mutuellement avantageux.
« L’unique objectif du Caire a été d’obtenir la reconnaissance de prétentions coloniales et un contrôle absolu sur le Nil », a soutenu le représentant éthiopien.
Tout en réaffirmant l’engagement d’Addis-Abeba en faveur de la paix et de l’intégration régionale, M. Kassaye a accusé l’Égypte de saboter ces efforts en alimentant l’instabilité chez certains voisins à travers des livraisons d’armes et des ingérences politiques.
L’Éthiopie a enfin dénoncé la volonté de l’Égypte de porter le différend sur la scène internationale, estimant qu’il s’agit d’une manœuvre politique visant à détourner l’attention de ses propres difficultés internes et régionales.