Entrée en vigueur de l’accord de l’OMC sur les subventions à la pêche : ce que ça change pour l’Afrique

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L’accord de l’OMC sur les subventions à la pêche est désormais entré en vigueur, le seuil de ratifications ayant été franchi grâce au Brésil, au Kenya, au Vietnam et à Tonga. L’Afrique, particulièrement touchée par la pêche illégale, pourrait en être l’un des principaux bénéficiaires.

C’est désormais officiel. L’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les subventions à la pêche est entré en vigueur, lundi 15 septembre. Lors d’une réunion à Genève, la directrice générale de l’organisation, Ngozi Okonjo-Iweala, a annoncé que le seuil des deux tiers des membres requis pour sa ratification avait été franchi grâce aux récentes acceptations du Brésil, du Kenya, du Vietnam et de Tonga.

« À un moment où le système commercial international est confronté à de profonds défis, l’Accord sur les subventions à la pêche envoie un signal fort : les membres de l’OMC peuvent travailler ensemble dans un esprit de coopération et de responsabilité partagée pour apporter des solutions aux défis mondiaux », a souligné Mme Okonjo-Iweala. Et d’ajouter : « L’entrée en vigueur de cet Accord rappelle que nombre des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés sont plus efficacement traités au niveau multilatéral ».

Adopté en 2022, l’accord cible les quelque 22 milliards de dollars de subventions jugées nocives qui contribuent chaque année à l’épuisement des ressources marines. Concrètement, il interdit les soutiens publics qui favorisent la pêche illégale, la capture de stocks surexploités et les activités de pêche dans des zones de haute mer dépourvues de réglementation. L’objectif est de protéger les stocks mondiaux et de préserver les moyens de subsistance de centaines de millions de personnes dépendantes de la pêche.

Quels impacts pour l’Afrique ?

Pour l’Afrique, où la pêche est vitale pour la sécurité alimentaire et l’emploi, l’entrée en vigueur de l’accord représente une avancée potentiellement bénéfique. Le continent reste largement dominé par la pêche artisanale, peu subventionnée par les États, contrairement aux autres régions où les flottes industrielles reçoivent un soutien massif. Mais les eaux africaines figurent aussi parmi les plus touchées par la surpêche et la pêche illégale, souvent pratiquée par des navires étrangers lourdement subventionnés. Selon l’Union africaine, la pêche illégale fait perdre au continent au moins 11,2 milliards de dollars par an.

Un rapport de l’ONG Oceana rappelle que des pays comme la Chine, le Japon, la Corée, la Russie, les États-Unis, la Thaïlande, Taïwan, l’Espagne, l’Indonésie et la Norvège figurent parmi les plus grands pourvoyeurs de subventions préjudiciables au secteur de la pêche dans le monde. L’Union européenne, prise dans son ensemble, est elle aussi régulièrement pointée du doigt par les ONG. Ces aides permettent aux grandes flottes industrielles de réduire leurs coûts et de s’aventurer au large des côtes africaines, où elles entrent en concurrence directe avec des pêcheurs locaux bien moins soutenus.

En empêchant les gouvernements de financer les navires impliqués dans ces pratiques, l’accord devrait contribuer à réduire cette pression sur les eaux africaines. Toutefois, certains pays du continent pourraient être amenés à revoir les faibles subventions qu’ils accordent à leurs propres pêcheurs, notamment si certains stocks venaient à être officiellement classés comme surexploités. L’accord impose aussi de nouvelles obligations en matière de collecte de données et de transparence, un défi pour des pays aux moyens scientifiques et administratifs limités.

Il faut enfin noter que seuls 23 pays africains ont déposé leur instrument d’acceptation à ce jour, ce qui montre que l’accord peine encore à susciter un consensus continental. Beaucoup d’États hésitent à s’engager pleinement, redoutant les contraintes qu’il pourrait faire peser sur leurs politiques de pêche ou leurs maigres dispositifs de soutien.

Pour accompagner la transition, un fonds déjà doté de plus de 18 millions $ d’engagements a été mis en place afin d’aider les pays en développement et les pays les moins avancés (PMA), dont la majorité se trouve en Afrique, à mettre en œuvre les mesures prévues. Mais cette réforme n’est qu’une première étape : une deuxième phase de négociations doit encore s’attaquer aux subventions qui accroissent la capacité de pêche, afin d’aller plus loin dans la lutte contre la surexploitation des ressources marines et la concurrence déloyale des flottes étrangères.

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