Le Maroc face aux défis de l’exploitation de son potentiel dans l’aquaculture

Actualité Africaine

Au Maroc, comme dans la majorité des pays côtiers d’Afrique, la pêche constitue la principale source de produits halieutiques. L’aquaculture, considérée comme une alternative durable, peine encore à s’imposer en dépit des institutions mises en place pour encadrer son développement.

Au Maroc, l’aquaculture est encore largement sous-exploitée pour répondre aux besoins en poissons et produits halieutiques. Selon les données officielles, la production aquacole dans le pays a atteint 3644 tonnes en 2024.

Alors que ce stock suggère que l’industrie locale a presque décuplé sa production depuis 2013, où elle s’affichait en dessous de 500 tonnes, cette progression reste néanmoins insuffisante au regard du potentiel de production du secteur qui est estimé à 300 000 tonnes par an.

Graphique : évolution de la production aquacole depuis 2013

Ce contraste est à inscrire dans un contexte où l’industrie évolue dans un cadre institutionnel et réglementaire structuré, conçu pour assurer sa durabilité et sa croissance. Depuis sa création en 2011, l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture (ANDA) œuvre, aux côtés de la Direction des pêches maritimes (DPM), de l’Institut national de recherche halieutique (INRH), de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) et du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF), à structurer et encadrer le développement de la filière aquacole.

Ces institutions assurent respectivement la planification et la promotion de l’aquaculture, la régulation et la gouvernance du secteur, la recherche scientifique, la sécurité sanitaire et le suivi financier de la filière.

Des défis structurels

Dans un rapport publié en septembre 2025, la Banque mondiale met en avant certains facteurs qui pourraient expliquer le développement encore limité de la filière marocaine. Intitulé « Harnessing Morocco’s Coastal Wealth: A Strategic Review of Marine Aquaculture for Job Creation and Sustainable Growth », ce rapport souligne notamment que le système institutionnel en place souffre de lourdeurs administratives et d’un manque de coordination.

L’institution financière identifie, par exemple, la difficulté de l’accès au foncier pour le développement de l’aquaculture marine comme un obstacle majeur. « Les investisseurs sont confrontés à des procédures d’autorisation longues et complexes, dues à des mandats institutionnels qui se chevauchent et à l’absence d’un système centralisé d’approbation. Les dispositifs de zonage et de planification spatiale marine restent fragmentés, entraînant des conflits entre l’aquaculture, la pêche, le tourisme et les efforts de conservation », souligne le rapport.

Cette complexité des procédures administratives serait un obstacle à l’investissement privé, limitant ainsi la mobilisation des financements et freinant la dynamique du secteur. En outre, la Banque mondiale estime que le développement de l’aquaculture au Maroc est aussi limité par des insuffisances en matière d’infrastructures, de financement et de gestion des risques environnementaux. Elle identifie notamment un besoin supplémentaire de sites de débarquement, de couveuses, d’usines d’aliments pour poissons, de chaînes logistiques réfrigérées et d’unités de transformation pour accroître la production.

Les priorités de réformes, selon la Banque mondiale

Pour accélérer le développement de l’aquaculture marine, la Banque mondiale recommande un renforcement global de la gouvernance à travers la simplification du cadre réglementaire, la digitalisation des procédures d’autorisation et le renforcement des capacités institutionnelles régionales. Le rapport suggère que l’amélioration de la planification et de la gestion du secteur facilitera l’implication du secteur privé.

L’institution financière préconise également le développement des services financiers et d’assurance innovants, comme la création d’un fonds d’investissement pour l’aquaculture, la mise en œuvre de mécanismes de marché (crédits carbone, crédits azotés, obligations bleues, finance bleue) afin de créer un environnement propice à l’investissement du secteur privé.

Par ailleurs, le rapport insiste sur la nécessité d’investir dans la production locale d’aliments aquacoles de haute qualité, d’autant plus que l’alimentation peut représenter jusqu’à 80 % des coûts d’exploitation liés à l’élevage en aquaculture.

« Produire des centaines de milliers de tonnes de protéines de poisson nécessitera une augmentation significative de la production d’aliments aquacoles et une modernisation du cadre réglementaire des aliments, permettant l’utilisation d’une gamme plus large de sources protéiques pour réduire les coûts de production. À ce jour, les réglementations sur les aliments aquacoles ne sont pas suffisamment claires quant à l’inclusion d’autres sources durables de protéines éprouvées, telles que les protéines animales transformées et la farine d’insectes (comme celle de la mouche soldat noire) », souligne l’institution financière.

La Banque mondiale encourage également un renforcement des partenariats public-privé et une réduction de la dépendance aux soutiens gouvernementaux pour les investissements, afin de permettre au secteur de prospérer et de contribuer à la sécurité alimentaire.

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Un levier pour la durabilité du secteur de la pêche et de la création d’emploi

L’enjeu pour le Maroc de débloquer le plein potentiel de l’aquaculture sera principalement de réduire les pressions existantes sur la pêche, telles que les pratiques de pêche INN ou la surpêche qui affectent la disponibilité des ressources halieutiques.

En juin dernier, l’Union nationale des industries de la conserve de poisson (UNICOP) tirait la sonnette d’alarme sur la raréfaction des ressources halieutiques, notamment la sardine qui représente 85 % des petits pélagiques marocains. Citant des données de l’Office national des pêches (ONP), l’organisation relevait une chute de 46 % des débarquements de sardines en deux ans, passés de 965 000 tonnes en 2022 à 525 000 tonnes en 2024. Parmi les principales raisons évoquées figuraient la capture des juvéniles, l’inefficacité de la lutte contre la pêche illicite et des périodes de repos biologique jugées inadaptées.

La nécessité d’augmenter la production de l’aquaculture est d’autant plus importante que la consommation nationale de produits de la mer est en hausse, stimulée par la croissance démographique et une prise de conscience accrue des bienfaits des produits de la mer sur la santé.

La Banque mondiale estime que le marché marocain des produits de la mer devrait atteindre 1,07 milliard $ en 2025, avec une croissance annuelle prévue de 6,3 % jusqu’en 2030. Face à cette demande croissante, la pêche, qui assure déjà près de 99 % de l’approvisionnement local en poissons, devrait être davantage sollicitée si l’aquaculture ne décolle pas.

Par ailleurs, l’essor de l’aquaculture au Maroc représente un véritable levier de création d’emplois. D’après les données officielles, le secteur compte déjà plus de 300 projets, visant une capacité de production de 200 000 tonnes, dont 183 fermes aquacoles opérationnelles portées par 11 investisseurs privés. Ces exploitations ambitionnent de produire plus de 70 000 tonnes par an et devraient générer près de 5 000 emplois directs et 10 000 emplois indirects.

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