Une jeune fille garde un troupeau de vaches à Korem, dans la région du Tigré, le 12 décembre 2020. EDUARDO SOTERAS / AFP
Depuis le début des affrontements en Ethiopie entre les troupes du gouvernement fédéral et celles de la province dissidente du Tigré, il y a dix semaines, les organisations humanitaires ont toujours du mal à venir en aide aux déplacés et aux blessés. La région de 6 millions d’habitants, où la guerre conventionnelle de novembre a progressivement fait place à la guérilla dans les campagnes, est dévastée par les combats et la faim.
Médecins sans frontières (MSF), une des rares ONG à pouvoir atteindre le centre du Tigré, estime qu’environ 4 millions de personnes n’ont pas accès aux soins de santé. Cela représente deux tiers des Tigréens. Les quelques convois qui ont pu atteindre la région, comme ceux de la Croix-Rouge et du Programme alimentaire mondial (PAM), sont plus l’exception que la règle.
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« La situation s’aggrave de jour en jour. Le conflit a commencé il y a deux mois et demi et la majorité des habitants attendent toujours l’aide humanitaire », s’inquiète Saviano Abreu, porte-parole du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). La faim est au centre des préoccupations : elle gagne du terrain dans une région déjà partiellement ravagée par l’invasion de criquets pèlerins à l’automne et où la guerre a éclaté quelques jours avant les récoltes.
Face à cette urgence, la communauté internationale change de ton. L’objectif : obtenir le plus rapidement possible un accès absolument indépendant au Tigré, pour l’instant refusé par les autorités éthiopiennes. L’Union européenne (UE), après avoir suspendu le paiement d’une partie de son aide financière à l’Ethiopie, évoque désormais de « possibles crimes de guerre » dans la province. Le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, écrit que « la situation va bien au-delà d’une opération de maintien de l’ordre », comme l’a décrit initialement le Premier ministre Abiy Ahmed.
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Des sources humanitaires revenant du Tigré et souhaitant témoigner anonymement sont également d’accord avec cela. Des milliers de femmes seraient victimes d’abus sexuels. Plus surprenant encore, une forte augmentation des comportements suicidaires a été observée, en particulier chez les personnes prises au milieu de la violence et forcées de fuir leur village et leur famille. D’autres sources décrivent des hôpitaux pillés et des populations privées de tout matériel médical, laissées à elles-mêmes jusqu’à l’arrivée des travailleurs humanitaires.
Des camps de réfugiés inaccessibles
Si le HCR a pu mener une mission de reconnaissance début janvier, l’aide tarde à se matérialiser. Une autre organisation, le Conseil norvégien pour les réfugiés, a également beaucoup de difficultés à se rendre au Tigré, où elle emploie néanmoins 100 travailleurs locaux. « Ce qui est fait aujourd’hui en matière d’aide humanitaire est tout simplement trop peu et trop tard », assure son directeur, Jan Egeland, qui se dit « extrêmement déçu de la lenteur des procédures administratives ».
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