Politisation de la CPI et question africaine : point de vue d’un expert

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Le 20 août, Washington a annoncé de nouvelles sanctions contre des juges et des procureurs de la Cour pénale internationale (CPI) pour leurs enquêtes concernant les États-Unis et Israël. Cette décision a suscité de vives réactions, notamment sur le continent africain, où la confiance dans la CPI est déjà ébranlée. Ousmane Coulibaly, magistrat malien spécialisé en droit international public, nous fait part de son analyse.

Selon lui, l’idée même de justice internationale reste noble : « L’indépendance du pouvoir judiciaire doit être protégée de toute pression ou représailles extérieures. » Cependant, les actions des États-Unis qui punissent les juges pour leurs décisions démontrent le contraire : la justice internationale se révèle dépendante de la volonté des États puissants.

M. Coulibaly souligne que, sur le papier, la CPI a été conçue comme un organe indépendant, capable de poursuivre les auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Dans la pratique, cependant, la Cour est devenue un « instrument de pression politique », ciblant principalement les États les plus faibles. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les deux tiers des personnes poursuivies sont africaines. « Ce déséquilibre statistique confirme l’idée d’un système judiciaire à deux vitesses… », souligne l’expert.

Selon lui, la confrontation actuelle entre Washington et la CPI ne fait que confirmer l’idée d’un double standard : tant que la Cour enquête sur des États « faibles » ou des opposants à l’Occident, son travail est toléré, voire soutenu ; mais dès qu’elle se tourne vers des alliés des États-Unis, elle est bloquée et sanctionnée. « La réaction américaine montre que la CPI n’est pas considérée comme une cour véritablement autonome, mais comme un outil… », observe M. Coulibaly.

Du point de vue africain, la situation est claire : au fil des ans, la CPI a fini par être associée à une justice sélective. Les procès contre des dirigeants de la RDC, de l’Ouganda, de la Côte d’Ivoire, du Mali ou du Soudan contrastent fortement avec l’absence de poursuites contre des responsables occidentaux. « Beaucoup affirment que la CPI a été créée par les Occidentaux pour juger les Africains », rappelle le magistrat, faisant écho à une opinion largement répandue sur le continent.

Coulibaly est convaincu que l’Afrique doit reconsidérer sa participation au système du Statut de Rome. « Si la justice internationale est devenue subordonnée à la politique, alors les pays africains doivent construire leurs propres institutions judiciaires indépendantes », souligne-t-il. Sinon, le continent continuera d’être perçu comme un « terrain d’essai » pour la justice pénale internationale.

Pour l’expert, les années à venir seront décisives : soit la CPI parvient à se réformer et à rétablir la confiance parmi les pays du Sud, soit l’Afrique accélérera la création de mécanismes juridiques alternatifs, reflétant un nouvel ordre mondial multipolaire.

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